Entre traitement de la douleur et constipation induite par les opioïdes, pourquoi choisir ?

REDIFFUSION WEBINAIRE Gastro-Enterologie du 6 juin 2024

Entre traitement de la douleur et constipation induite par les opioïdes, pourquoi choisir ?

Transcription de la vidéo

Bonjour à tous et à toutes, merci au laboratoire Viatris de me donner l'occasion de parler de ce souci de santé qu'est la CIO (Constipation Induite par les Opioïdes). On va essayer de découvrir un peu cette maladie au travers d'un cas clinique que j'ai souhaité interactif. [...]

On va donc commencer par une patiente, une situation assez classique qui consulte pour une constipation, avec des difficultés d'exonération depuis un mois environ, qui se manifeste par l'obtention d'une selle tous les trois jours environ avec des selles très dures. Et pour ceux qui connaissent l'échelle de Bristol, on la verra de nouveau tout à l'heure, elles sont classées 1, c'est-à-dire des petites billes et elle est obligée de pousser à chaque fois, avec souvent la sensation d'une évacuation incomplète.

L'examen clinique est strictement normal. Il n'y a pas de symptômes d'alarme, pas de sang dans les selles. Elle est en activité professionnelle. Et puis elle a finalement eu un parcours assez classique deux accouchements par voie basse sans complications et éléments notables, elle a une lombalgie chronique qui a été incomplètement soulagée par du paracétamol et des anti-inflammatoires et pour laquelle du Tramadol a été prescrit il y a quelques semaines avec une efficacité notable.

Et devant cette prise de Tramadol, eh bien vous suspectez une constipation induite par les opioïdes. Alors la première question, [...], c'est finalement dans cette observation quel est le critère indispensable pour établir le diagnostic de constipation induite par les opioïdes ? Est-ce que c'est le fait d'avoir moins de trois selles par jour ? Est-ce que c'est le fait que la constipation ait débuté lors de l'introduction de la modification de l'opioïde ? Est-ce la nécessité de pousser lors de l'exonération ? Est-ce que c'est la sensation d'évacuation incomplète ? Ou est-ce que c'est la persistance de cette constipation malgré le bon suivi des règles hygiéno-diététiques ? Le critère le plus important et qui est indispensable pour porter le diagnostic de constipation induite par les opioïdes, c'est la chronologie. C'est le fait que la constipation ait débuté soit lors de l'introduction des opioïdes, soit de la modification de ceux-ci.

Alors en fait, pour définir la constipation induite par les opioïdes, il existe des critères qu'on appelle les critères de Rome IV parce que tous les 5 à 10 ans à peu près, des experts se réunissent à Rome et définissent les critères, en particulier ceux de la constipation et ceux de la constipation induite par les opioïdes ont été identifiés récemment. Pour retenir ce diagnostic, il faut un premier critère. C'est le numéro un, c’est l'apparition ou l'aggravation des symptômes de la constipation lors de l'initiation du changement de molécule ou d'une augmentation de dose.

Ça, c'est le critère indispensable. Et ensuite, vous devez avoir deux autres critères au choix parmi les six qui sont énoncés. Alors, vous reconnaissez un des symptômes classiques de constipation ?

Des efforts de poussée, des selles dures, une évacuation incomplète, une sensation de blocage ou d'obstruction au niveau du canal anal, des manœuvres d'évacuation, ce qui veut dire y mettre les doigts, et puis moins de trois selles spontanées par semaine. Voyez que le fameux « trois selles par semaine », n'est qu’un des critères accessoires et il faut au moins deux de ces six critères pour obtenir le diagnostic de constipation induite par les opioïdes.

Naturellement, si le malade vous décrit la présence de selles liquides, il faut s'interroger sur la présence de traitements laxatifs concomitants et éventuellement réévaluer celui-ci. Alors voilà une échelle qui nous fait gagner beaucoup de temps en consultation, c'est l'échelle de Bristol. Et finalement, plus que les descriptifs qui sont associés, les images bien souvent suffisent pour apprécier la forme des selles. Et vous voyez que la constipation d'une manière générale, et celle induite par les opioïdes en particulier correspondent aux items numéro 1 et numéro 2, c'est-à-dire des petites billes ou les selles grumeleuses très dures.

Alors vous avez maintenant, [...] vous l'avez évoqué sur le plan clinique, mais quels sont les examens complémentaires qui sont nécessaires dans le cadre de cette constipation et en particulier pour confirmer le diagnostic ? Alors je vous ai laissé le choix entre la coloscopie, un ASP, une manométrie ano-rectale, un scanner ou alors finalement il n’y a besoin d'aucun de ces examens complémentaires. [...]

La bonne réponse est « aucun ». Il n'y a aucun examen complémentaire qui doit être systématiquement prescrit, ni pour confirmer la constipation induite par les opioïdes, qui est un diagnostic clinique, ni pour apprécier son retentissement. Le diagnostic est donc clinique selon les critères que je vous ai donnés tout à l'heure. Eventuellement sur le plan clinique, il va falloir rechercher les autres causes qui peuvent favoriser la constipation et éventuellement essayer de pouvoir agir dessus. L'examen clinique comportera essentiellement un examen proctologique à la recherche d'une cause proctologique de la constipation induite par les opioïdes et en dehors de symptômes d'alarme, il n'y a pas d'examen complémentaire à réaliser. La coloscopie sera prescrite selon les critères classiques de prescription de la coloscopie chez un patient qui, par exemple, ne serait pas constipé.

Maintenant, vous allez vouloir prendre en charge cette patiente et vous allez lui préconiser des règles hygiéno-diététiques pour traiter sa constipation induite par les opioïdes.

Alors, parmi toutes celles que j'ai listées, quelle est ou quelles sont les mesures qui ont fait la démonstration de leur efficacité ? Alors on va faire un peu plus de sport. On dit souvent qu’il faut toujours arrêter de fumer, qu’il faut toujours boire plus d'eau, qu’il faut toujours manger plus de fibres, et qu’il faut toujours arrêter l'alcool. Oui, mais dans le cas de la constipation, quelle est la mesure la plus efficace ?

La seule qui ait démontré son efficacité et encore une efficacité relativement faible, c'est manger plus de fibres. Faire plus de sport, ça n'a jamais accéléré le transit du côlon, donc ça ne sert à rien dans la constipation, ça sert pour beaucoup d'autre choses. Arrêter de fumer et arrêter l'alcool, ça sert pour beaucoup d'autres choses, mais ça ne sert pas à grand-chose dans la constipation.

On dit souvent dans la constipation qu'il faut s'hydrater beaucoup. C'est faux, ça fait juste uriner plus. Ce qu'il faut éventuellement, c'est prévenir une déshydratation car la déshydratation, elle, peut induire une constipation. Alors ceci-dit, il y a quelques eaux qui sont disponibles dans le commerce, qui sont riches en sel de magnésium, et ces eaux ont effectivement fait la démonstration de leur efficacité dans la constipation, mais ce n'est pas simplement le fait de boire de l'eau, c'est de boire de l'eau riche en sel de magnésium. L'apport de fibres alimentaires, c'est efficace, néanmoins, ça risque de majorer le ballonnement et l'activité physique ne joue en rien sur le transit. En fait, ce qui joue sur le transit, c'est le fait de rester inactif, c'est le malade grabataire, c'est le fait d'être en réanimation et de n'avoir absolument aucun mouvement. Ça peut favoriser une constipation. Mais si on a une activité physique tout à fait normale, eh bien ça ne sert à rien de courir un marathon pour accélérer son transit. Alcool et tabac, ça ne sert à rien dans la constipation non plus.

Alors ces mesures hygiéno-diététiques sont à envisager dès la prescription des opioïdes, mais encore une fois, leur niveau de preuve est très faible, voire nul.

Alors ensuite, pour essayer de soulager cette malade, vous allez envisager une prescription. Alors la première possibilité, c'est d'arrêter les opioïdes. La seconde, c'est d'utiliser du Macrogol, vous pouvez également utiliser du Bisacodyl, du lactulose et du Pruncalopride. Parmi toutes ces mesures, laquelle ou lesquelles allez-vous envisager ? On sait qu'il y a au moins une chose qu'il ne faut pas faire c’est d'arrêter les opioïdes, surtout quand ils sont efficaces.

Le macrogol est une possibilité et les trois autres aussi. Alors pour le macrogol, donc, il fait partie de la grande famille des laxatifs osmotiques. Pour être tout à fait sincère, il n'y a aucune étude randomisée double aveugle qui démontre son efficacité dans la constipation induite par les opioïdes. Néanmoins, on considère que c'est la molécule qui a le meilleur rapport bénéfice risque dans cette indication.

Attention au Lactulose qui lui est fermenté par le microbiote digestif et qui peut donner des ballonnements. Et en fait, en pratique, quand on interroge les malades qui sont sous opiacés et qui prennent des laxatifs osmotiques, il faut bien se rendre compte que quasiment un malade sur deux juge son traitement satisfaisant, ce qui veut donc dire qu'un malade sur deux juge son traitement soit non satisfaisant au terme d'une inefficacité, soit non satisfaisant en termes d'une intolérance parce qu'il faut avaler les sachets tous les matins. Alors les autres laxatifs ne font pas beaucoup mieux. D'une part parce qu'il y a très peu d'études randomisées double aveugle qui démontrent leur efficacité dans cette indication, pour les laxatifs stimulants comme le Bisacodyl, et les sennosides il n'y a aucune étude dans la constipation induite par les opioïdes. Il y a deux études dans la constipation fonctionnelle. Leurs effets principaux, c'est la douleur, ils font mal au ventre ces médicaments-là. Et donc, chez un malade douloureux, c'est parfois difficile de les utiliser. Le Prucalopride, il y a au moins une étude dans l'indication de la constipation induite par les opioïdes versus placebo. Néanmoins, en France, c'est une molécule qui est disponible mais qui n'est pas remboursée et qui représente un certain budget, que les malades ne sont parfois pas prêts à mettre pour traiter leur constipation.

Enfin, la lubiprostone c'est une autre molécule qui a une autorisation européenne mais qui n'est pas commercialisée en France malgré pourtant des essais positifs dans la constipation induite par les opioïdes, donc celui-là, mis à part envoyer vos malades à l'étranger, vous ne pourrez pas l'utiliser.

Alors vous avez donc fait un choix raisonnable, celui d'utiliser du Macrogol, qui malheureusement était mal toléré par la malade, et donc la malade revient vous voir et elle vous demande si vous n'auriez pas éventuellement autre chose en réserve. Alors que lui proposez-vous ? La première option, c'est de nouveau d'arrêter les opioïdes. Une seconde option serait d'utiliser des antagonistes des récepteurs mu aux opioïdes d'action périphérique qu'on appelle des PAMORA.

Et puis vous pouvez vous poser la question de thérapies un peu plus agressive, comme la colostomie ou la colectomie. Je pense que là, il n'y a pas trop de suspens, concernant la bonne réponse. C'est effectivement l'utilisation de ces fameux PAMORA. Donc ces antagonistes des récepteurs mu aux opioïdes d'action périphérique, qui sont donc des molécules qui vont bloquer les effets périphériques et en particulier digestifs des opioïdes sans agir au niveau central et donc sans enlever leur effet antalgique.

Donc il y a plusieurs études randomisées contre placebo qui ont démontré leur efficacité dans la constipation induite par les opioïdes. Toute la question est de savoir si on peut les associer ou non à un traitement laxatif. Et je vais vous proposer l'algorithme suivant pour conclure, avant de passer aux questions, c'est un algorithme simplifié qui est le mien. Donc il n'a pas du tout été validé par des sociétés savantes, mais on imagine volontiers que devant une constipation induite par les opioïdes qui arrivent quasiment chez un malade sur deux chez qui on prescrit des opioïdes, eh bien la première chose à faire, c'est de ne surtout pas arrêter les opioïdes, puisqu'on a d'autres possibilités de pouvoir prendre en charge ces malades.

Et donc ce que l'on peut faire, c'est ce qui vous est montré d'une part, sur la gauche, c'est finalement de traiter tous les facteurs associés, les causes associées, de constipation. Éventuellement, vous pouvez de temps en temps essayer un switch des opioïdes, voire changer la voie d'administration, mais surtout chez les malades, vous allez leur préconiser des mesures hygiéno-diététiques dès l'introduction de ces opioïdes, et puis vous allez pouvoir les traiter par des laxatifs osmotiques.

Alors j'ai fait cet algorithme en trois étapes mesures hygiéno-diététiques, laxatifs osmotiques et PAMORA. En sachant que la question est de savoir, est-ce qu'il faut prescrire d'emblée des laxatifs osmotiques quand on prescrit un opioïde ? Les différentes sociétés savantes laissent planer le doute, la HAS un petit peu moins, puisque j'ai repris in extenso le texte de la HAS qui recommande d'introduire des laxatifs osmotiques chez les malades chez qui on prescrit des opioïdes.

[...] Je pense que cette prescription peut être tout à fait justifiée si vous identifiez des facteurs de risque de développer une constipation induite par les opioïdes. Et naturellement, tout ceci doit être mis en adéquation avec la balance bénéfices/risques donc la prescription d'emblée de laxatifs osmotiques, elle n'est pas à mon avis systématique.

Toute la question est de savoir si les laxatifs osmotiques ne sont pas suffisants pour traiter la constipation induite par les opioïdes, est-ce qu'il faut faire une co-prescription avec des PAMORA ou est-ce qu’il faut remplacer les laxatifs osmotiques par des PAMORA ? Je rappelle que toutes les études contre placebo ont testé uniquement des PAMORA versus le placebo et n'ont jamais testé la combinaison des deux. Néanmoins, c'est une possibilité que les différentes sociétés savantes laissent parfois planer également. Alors peut-être que la présence de facteurs de risque de constipation et là encore, la balance bénéfice/risque vous aidera à choisir entre ces deux alternatives.

[...] Est-ce que la prise en simultanée d'un PAMORA et d'une dose de morphine réduit l'absorption et ou l'efficacité de l'inter dose de la dose de fond ?

  • Non, c'est le principe des PAMORA, c'est qu'ils ne pénètrent pas la barrière hémato-encéphalique et donc ils ne vont pas agir sur l'effet central des opioïdes. Une partie de la question était sur l'absorption de la molécule. Je n'ai pas connaissance que le fait de prendre un opioïde joue en quoi que ce soit sur l'absorption des molécules, que ce soit des opioïdes ou que ce soit d’autres médicaments. Le fait d'être constipé ou d'avoir un transit tout à fait normal ne joue pas sur l'absorption des médicaments.

Bien, vous nous avez dit que vous n'étiez pas tout à fait favorable à la prescription de laxatifs chez tous les patients qui prennent des opioïdes. Est-ce que par-contre, il y a des profils chez qui vous n'hésitez pas et chez qui vous proposez des laxatifs.

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  • Oui, alors les laxatifs, même osmotiques, peuvent avoir des effets secondaires et ça fait partie d'ailleurs des critères de Rome. La diarrhée est un effet secondaire attendu, mais est un effet secondaire des laxatifs. Et tous les malades qui vont avoir des opioïdes ne vont pas nécessairement développer une constipation induite par les opioïdes. C'est la moitié d'entre eux, mais ce n'est pas tous les malades. Alors évidemment, il y a des malades qui sont beaucoup plus à risque que d'autres de développer une constipation. Et ce sont les facteurs assez classiques de constipation que vous allez retrouver. Ça peut être les malades qui ont dans leurs prescriptions des médicaments qui constipent, ça peut être des malades qui ont des troubles de la statique du périnée, typiquement, cette femme qui avait eu deux accouchements, qui est en période post ménopause, est un peu plus à risque que la moyenne de la population de développer une constipation, ça peut être aussi les sujets très âgés ou grabataires.

à propos de cette vidéo

Orateur

Pr Guillaume GOURCEROL

Fonction 

Gastro-entérologue

Lieu 

CHU de Rouen

date 

6 juin 2024

Durée 

15 minutes

Htag 

#constipation, #opioïde, #douleur, #Webinaire, #CIO

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